Boris Vallaud (PS): ‘Le gouvernement ne recherche pas le compromis avec la gauche’

C’est le président d’un groupe socialiste “new-look”. Après l’échec de la présidentielle et les désastreux 1,7% d’Anne Hidalgo, le PS a choisi de mettre un coup de barre à gauche en ralliant la Nupes de Jean-Luc Mélenchon. Un pivot tactique qui a permis aux socialistes de sauver leur groupe de 31 députés à l’Assemblée nationale. Mais qui a suscité, dans le même temps, l’incompréhension d’une partie de son électorat et de ses cadres, redoutant de voir la formation de François Mitterrand et Lionel Jospin perdre sa culture de gouvernement. Alors que 82% des sympathisants socialistes souhaitent voir leurs députés négocier avec le gouvernement, le groupe PS a voté lui, avec la Nupes, une motion de censure “a priori” du gouvernement, avant même que tout texte puisse être étudié à l’Assemblée. “Nous n’avons pas été élus pour faire la majorité d’Emmanuel Macron”, défend Boris Vallaud, tout en rejetant toute forme de “vassalité” aux insoumis : “Nous pouvons avoir des sujets de désaccords, que nous ne renoncerons pas à affirmer”, assure-t-il.

Challenges : Le groupe PS a choisi de s’ancrer dans l’opposition en votant la motion de défiance de la Nupes. Pourtant 82% des sympathisants socialistes souhaitent voir leur parti négocier avec le gouvernement. Est-ce vraiment tenable ?

Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée nationale : Nous n’avons pas été élus pour faire la majorité d’Emmanuel Macron, ni pour appliquer son programme que nous avons combattu devant les électeurs. Et c’est précisément parce que nous sommes dans l’opposition sur des positions différentes et que nous avons d’autres propositions qu’il y a éventuellement matière à négocier. Si nous étions dans la majorité, que nous resterait-il à négocier ? Rien. Être dans l’opposition, n’est pas une découverte. Nous étions dans l’opposition ces cinq dernières années. Nous avons eu une candidate à l’élection présidentielle qui se présentait contre le président de la République, et qui en contestait le bilan et le programme. Nous étions dans l’opposition aux législatives. Mais nous continuerons de travailler et de formuler des propositions. Nous croyons à la possibilité d’accords républicains mais cela suppose que l’exécutif et la majorité soient capables d’entendre au-delà d’eux-mêmes et de tirer un certain nombre de leçons de la défaite qu’a constituée pour elle la majorité relative. Or quand j’entends le président de la République le 14 juillet, je m’aperçois qu’il ne renonce à rien de son programme, estimant qu’il a été élu au premier tour de l’élection présidentielle. La réalité est toute autre. La question est : à quoi l’exécutif est prêt à renoncer, quelles propositions des oppositions est-il prêt à reprendre. Nous avons formulé, avec le groupe PS comme avec nos partenaires de gauche, des propositions ces premières semaines : la taxation des superprofits des multinationales, qui se sont enrichies lors de la crise. Demandée par la Commission européenne et réalisée par un certain nombre de nos voisins européens. Est-ce que le gouvernement a négocié ? Non, ça a été non. De même pour les augmentations de salaire. Donc, négocier d’accord, mais sur quoi ?

Quelle est vraiment la nature de vos rapports avec la France insoumise au sein de la Nupes ? Certains voient dans votre alignement sur les positions mélenchonistes une forme de vassalité motivée par la crainte d’une dissolution…

Avaler les propositions de droite du gouvernement serait responsable, travailler avec la gauche relèverait de la vassalité ? Non, soyons sérieux. Cette union de la gauche, c’est l’unité dans la diversité. Il y a quatre formations politiques avec leurs histoires, avec leurs identités, leurs styles et aussi un certain nombre de désaccords – par exemple, sur la ratification de l’entrée dans l’OTAN de la Suède et la Finlande, nous n’avons pas voté la même chose. Ce qui nous rassemble, c’est la justice et la recherche de l’égalité, la centralité de la question sociale et des classes populaires, mais nous pouvons avoir des sujets de désaccords, que nous ne renoncerons pas à affirmer. Nous sommes pleinement socialistes. Ce qui fait la force de cette union, c’est une addition à sommes positives. Sans possibilité de se différencier, l’union serait un jeu à sommes nulles.

En quoi une personnalité comme Élisabeth de Borne, ancienne conseillère de Lionel Jospin, directrice de cabinet de Ségolène Royal, est-elle si éloignée des positions du Parti socialiste ? Vous avez fait partie de la même administration…

Elle est la Première ministre en charge de mettre en œuvre la politique d’Emmanuel Macron. D’une certaine manière, “il décide, elle exécute”. Et elle exécute une politique de droite. L’allongement de l’âge de départ à la retraite sans considérer réellement la pénibilité dont certains critères ont été supprimés, les contreparties au RSA, une réforme de l’assurance-chômage qui va se faire sans les partenaires sociaux, une nouvelle politique asile-immigration… On peut toujours sauter comme un cabri sur sa chaise en disant : “Je suis de gauche, je suis de gauche” mais parfois on est ramené à la réalité de ses actes. Ce qui n’enlève rien aux qualités personnelles d’Elisabeth Borne, le sérieux qui est le sien. Je n’ai pas de problème personnel avec elle, seulement un problème politique.



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